Ce n’est pas parce qu’elle n’a pas dit non… qu’elle était d’accord

Il y a un sujet que personne n’a envie d’aborder. Un truc qui dérange, qui fait grincer, qui met mal à l’aise. C’est cette idée inconfortable, presque impensable pour certains : celle qu’on a peut-être déjà forcé quelqu’un, sans même en avoir conscience. Pas par violence. Pas par menace. Mais juste… par ignorance. Par pression à peine voilée. Par maladresse répétée. Par ce fameux “tu veux pas me faire plaisir ?” glissé dans un moment où l’autre n’osait pas dire non.

Ce genre de situation, ça existe. Et plus souvent qu’on ne le pense. C’est pas spectaculaire. C’est pas dramatique dans l’instant. Mais ça laisse un goût amer. Un vide. Un malaise. Et souvent, une personne qui n’a pas eu la force de s’opposer, simplement parce que tout allait trop vite, parce que dire non, là, tout de suite, c’était trop lourd. Trop risqué. Trop inconfortable. Alors elle s’est tue. Elle s’est laissée faire. Et toi, peut-être, t’as cru que c’était bon. Que c’était un “oui”. Que c’était consenti.

Sauf que non.

Et c’est justement là que le sujet devient crucial. Parce qu’on ne parle jamais de ces zones-là. On parle de viol, de crime, de violence extrême. Mais on oublie tous ces instants flous, ces petits gestes qui franchissent des limites sans en avoir l’air. Ces moments où l’un prend… pendant que l’autre, en silence, espère juste que ça se termine vite.

Alors aujourd’hui, on va en parler. Pas pour faire la morale. Pas pour pointer du doigt. Mais parce que si on veut que les choses changent, faut commencer par ouvrir les yeux.

Le consentement, c’est pas un formulaire à signer

Le consentement, c’est pas un papier qu’on remplit, ni un contrat qu’on signe une fois pour toutes. On nous rabâche que “le consentement, c’est important”, et évidemment que c’est vrai. Mais ce qu’on oublie trop souvent de dire, c’est à quel point c’est subtil, complexe, fragile. Parce que dans l’imaginaire collectif, le consentement, c’est simple : si elle dit oui, c’est bon. Si elle dit non, on arrête. Fin de l’histoire.

Sauf que dans la vraie vie, c’est rarement aussi clair. Entre le “oui” et le “non”, il existe un espace immense. Un espace inconfortable. Un espace qu’on ne prend pas assez au sérieux. C’est l’espace du “je sais pas comment dire non”. Du “j’ose pas, j’ai peur de blesser, de passer pour la coincée, de gâcher l’ambiance”. C’est aussi l’espace du “je me sens un peu obligé·e… alors je laisse faire”. Et beaucoup trop de gens, aujourd’hui, vivent des relations sexuelles là-dedans. Dans cette zone grise où, en surface, tout a l’air d’aller. Mais à l’intérieur, c’est une autre histoire.

Pas parce qu’ils ont été frappés. Pas parce qu’ils ont été traînés de force. Mais parce qu’ils se sont retrouvés coincés. Incapables de refuser. Figés. Résignés. Pas vraiment acteurs de ce qui se passe. Juste là, à attendre que ça se termine. Et ça, on a beau vouloir l’ignorer, ça reste une forme de violence. Pas la plus visible. Pas la plus brutale. Mais une violence quand même.

“Elle n’a pas dit non”… ouais, mais est-ce qu’elle a dit oui ?

Combien de fois on a entendu cette phrase-là ? “Elle n’a pas dit non.” “Elle était là, elle ne s’est pas débattue.” “Elle m’a laissé faire.” Mais laisser faire, ce n’est pas consentir. Ne pas dire non, ce n’est pas dire oui. Et rester immobile, ce n’est pas forcément être d’accord. C’est peut-être être figée. C’est peut-être être tétanisée. Ou juste attendre que ça se termine le plus vite possible.

Un vrai oui, ça se voit, ça se sent, ça se vit. C’est clair, c’est volontaire, c’est présent. Un vrai oui, c’est de l’enthousiasme, pas de la soumission. Et si ce oui-là n’existe pas… ben c’est qu’il y a un problème. Point final.

On a appris à “insister”, pas à écouter

Depuis toujours, on nous vend la même image. Dans les films, les clips, les blagues de gars, le mec qui drague, c’est celui qui insiste. Celui qui ne lâche rien. Et si elle dit non ? C’est pas vraiment non. C’est qu’elle veut qu’on insiste un peu plus. Qu’on la mérite. Qu’on la fasse changer d’avis.

Sauf que ça crée un problème énorme. Parce qu’on a appris à contourner les refus, mais pas à les respecter. On a appris à forcer un peu, mais jamais à écouter vraiment. Écouter quoi ? Les silences. Les gestes qui se figent. L’absence de réponse. L’absence de plaisir. On ne nous a jamais demandé de nous poser la vraie question : est-ce que c’est partagé… ou est-ce que je suis juste en train de prendre un truc qu’on ne me donne pas ?

Les “zones grises” : là où tout le monde se perd

Personne ne veut être vu comme “un agresseur”, et franchement, c’est normal. La plupart des gens ne se lèvent pas le matin avec l’intention de blesser quelqu’un. Mais c’est justement là que les zones grises deviennent dangereuses. Parce que dans ces moments flous, tu peux faire du mal sans même t’en rendre compte. Tu crois que c’est consenti, parce qu’il n’y a pas de non, pas de refus, pas de crise. Mais tu ne vois pas que l’autre est ailleurs. Qu’il ou elle s’éteint, se retire, fait juste ce qu’il faut pour que tu sois content, sans vraiment être là.

Imagine. Elle est chez toi, il est tard. Vous vous embrassez, tu commences à aller plus loin. Elle ne dit rien. Elle ne te repousse pas. Mais elle ne te touche pas non plus. Elle ne te regarde pas. Elle est absente. Et toi, tu continues. Parce que tu veux, parce que t’es lancé, parce que tu penses que c’est ok. Sauf que non. T’as franchi une ligne. Pas parce que t’as crié, pas parce que t’as forcé physiquement. Mais parce que t’as pris quelque chose qui, en vrai, n’a jamais été donné.

“Mais si c’est flou, comment je peux savoir ?”

C’est une vraie question. Et elle mérite une vraie réponse. Parce que oui, parfois, c’est flou. Parfois, tu sais pas trop. T’es pas dans la tête de l’autre. Mais c’est justement là que ça se joue : tu demandes, tu communiques, tu regardes ce qui se passe vraiment. Un rapport sexuel, c’est pas un défi à gagner, c’est pas un objectif à atteindre. C’est un échange. Un moment à deux. Pas un monologue où l’autre devient juste un décor.

Si tu sens que l’autre est ailleurs, distant·e, figé·e, pas investi·e… tu t’arrêtes. Tu poses la question. T’as pas l’air con, t’as l’air respectueux. Tu dis simplement : “T’en as envie, là ?”, “Dis-moi si t’es pas à l’aise”, “Je veux pas te forcer, hein, on est bien même si on fait rien.” Et oui, des fois, la personne va quand même dire “oui”, juste pour pas te décevoir. Mais c’est là que ton rôle change. C’est là que t’es pas juste quelqu’un qui prend. T’es quelqu’un qui capte. Qui ressent. Qui voit que c’est pas un vrai oui. Et qui ose dire : “Non, attends. J’ai besoin que ça vienne vraiment de toi. Sinon on arrête.”

T’as peut-être déjà été cette personne

Peut-être qu’un jour, quelqu’un qui lit ça a été cette personne. Pas par méchanceté. Pas par violence. Juste parce que personne lui a jamais expliqué les vraies règles du respect. Peut-être qu’un soir, il a un peu insisté. Peut-être qu’il voulait tellement son moment qu’il n’a pas vu ou pas voulu voir que l’autre s’effaçait. Que l’autre se laissait faire juste pour que ça se termine. Pas par désir. Pas par envie. Juste parce que dire non, à ce moment-là, ça paraissait encore plus compliqué.

Et peut-être que cette personne est repartie en pensant que tout allait bien pendant que l’autre restait là, avec ce goût amer dans la bouche, ce sentiment d’avoir été traversée sans exister. Ce n’est pas une accusation. Ce n’est pas un jugement. Mais maintenant que ça, c’est dit… continuer à faire semblant de ne pas savoir, ça, c’est plus possible.

Ce n’est pas un article contre les hommes. Ni contre les femmes.

Ce n’est pas un article pour accuser qui que ce soit. Ce n’est pas un article pour pointer du doigt ou pour distribuer des étiquettes. C’est un article contre l’ignorance. Contre les non-dits. Contre les comportements qu’on reproduit sans jamais les questionner. C’est un article pour parler vrai. Pour remettre un peu d’humanité dans des moments où trop de gens oublient d’en mettre.

Parce qu’au fond, c’est juste ça qu’on devrait chercher à devenir : des humains un peu plus présents, un peu plus attentifs, un peu plus respectueux. Pas parfaits. Pas infaillibles. Juste meilleurs. Plus conscients. Plus capables de voir l’autre. De sentir quand c’est vraiment partagé. Et d’avoir assez de maturité pour s’arrêter quand ça ne l’est pas.

Ce que tu peux faire, à partir d’aujourd’hui

Apprends à reconnaître un vrai oui. Pas un oui arraché. Pas un oui gêné. Pas un oui pour faire plaisir. Un vrai oui, ça se sent. Ça se vit. Ça ne laisse pas de doute. N’aie pas peur de demander, de valider, de t’assurer que l’autre est vraiment là, vraiment partant, vraiment présent. Et si tu sens que l’autre décroche, qu’il ou elle se ferme, qu’il ou elle est ailleurs… arrête-toi. Pose des questions. Ouvre un espace de respect.

Et si tu lis ça en te disant que toi, c’est pas l’autre, mais toi qui t’es déjà senti obligé·e, qui t’es déjà laissé·e faire sans en avoir envie… alors sache que t’as le droit de reprendre ton espace. Ton corps. Tes limites. Ton pouvoir de dire non. Et si t’as envie d’avancer là-dedans, j’ai quelque chose à te recommander : 52 exercices pour te reconnecter à toi-même, créés par Francis Machabée, une personne que je trouve sincèrement inspirante, et un expert reconnu en psychologie positive. C’est pas une baguette magique. Mais c’est un vrai bon début pour réapprendre à te choisir, toi.

Partage cet article si tu penses que ça mérite d’être dit. Parce qu’on ne parle pas assez de ça. Parce qu’il y a des gens qui souffrent en silence. Et parce qu’il y en a d’autres… qui feraient mieux, s’ils comprenaient.

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Par Gabriel Tellier

Gabriel Tellier bouscule les certitudes et pousse à l’action. Avec un regard lucide et des conseils concrets, il aide à mieux comprendre ses blocages, à se remettre en question et à avancer vers une vie plus épanouissante.