Lettre à ma mère : ce que je n’ai jamais osé lui dire

Il y a des choses que je n’ai jamais su dire, pas parce que je n’en avais pas envie, mais parce qu’à chaque fois que les mots montaient, quelque chose en moi les étouffait. Un mélange de peur, de loyauté mal placée, de culpabilité confuse. Le sentiment que parler reviendrait à trahir, que nommer ce que j’ai vécu serait vu comme une accusation. Alors j’ai tout gardé. Enfoui, compacté, enterré profondément. Et aujourd’hui, je sens que je ne peux plus avancer avec tout ça coincé à l’intérieur. Il est temps que je parle. Pas pour pointer du doigt. Pas pour rejeter. Mais pour me libérer.

Tu as été là, oui. Présente dans les gestes du quotidien, dans les obligations, dans la logistique de la vie. Tu m’as nourri, tu m’as habillé, tu as veillé à ce que je sois propre, poli, en sécurité. Mais ta présence avait un goût d’absence. Tu étais dans la pièce, sans vraiment être là. Tes yeux glissaient sur moi sans s’attarder. Tes bras étaient rares, tes mots encore plus. Ce que je réclamais sans le dire, c’était ton attention véritable, ton regard qui s’arrête, ton amour qui enveloppe. Pas un amour conditionné à ma docilité ou à ma performance, mais un amour libre, stable, réconfortant. Et je ne l’ai pas reçu.

Très vite, j’ai compris que pour exister à tes yeux, il fallait me faire tout petit. Ne pas déranger. Ne pas trop ressentir. Surtout, ne pas pleurer. J’ai appris à ravaler mes larmes, à effacer mes colères, à m’excuser d’exister trop fort. J’ai compris que mes émotions prenaient trop de place pour toi, que mon intensité te fatiguait, que ma vérité te dérangeait. Alors j’ai fermé les vannes. J’ai construit un personnage acceptable. Un enfant sage, discret, performant, qui faisait tout pour ne pas t’alourdir. Et en faisant ça, j’ai commencé à m’oublier.

Tu ne m’as jamais dit « je t’aime » sans condition. Tu ne m’as jamais demandé ce que je ressentais vraiment. Tu ne m’as jamais dit que j’avais le droit d’être moi, même quand j’étais en colère, triste, perdu, instable. Et à la place, j’ai entendu des phrases qui ont creusé des sillons profonds dans mon identité. Des mots anodins peut-être, dans ta bouche, mais violents dans mon cœur d’enfant. Tu me reprochais mon hypersensibilité. Tu dénigrais mes tentatives de m’exprimer. Tu ridiculisais mes émotions. Et moi, j’ai appris à me méfier de moi-même.

Je ne t’écris pas pour faire le procès de ton rôle. Je sais que tu as fait comme tu pouvais, avec ce que tu avais, et je ne doute pas que tu m’aimais à ta façon. Mais ce que tu m’as donné ne suffisait pas. Et ce que tu ne m’as pas donné m’a profondément manqué. Ton silence m’a crié des choses que tu n’as jamais dites à voix haute. Et ces non-dits ont été plus violents que bien des disputes.

Pendant des années, j’ai espéré un changement. Un geste, une parole, une ouverture. Je t’ai laissé mille portes ouvertes, toujours prêt à accueillir une tentative, une prise de conscience, un regard sincère. Mais rien n’est venu. Tu es restée figée dans ton rôle, dans ton récit, dans tes blessures non réglées. Et à force de t’attendre, j’ai fini par comprendre que je m’abandonnais.

Aujourd’hui, je ne veux plus attendre. Je ne veux plus chercher ton approbation dans chacun de mes choix. Je ne veux plus interpréter ton silence comme un jugement. Je ne veux plus deviner ce que je dois être pour mériter ton affection. Je veux être libre. Libre d’être moi, sans me sentir coupable. Libre de poser des limites, même face à toi. Libre de dire que, non, je ne me suis pas senti aimé comme j’en avais besoin.

Et dans cette liberté nouvelle, il y a une décision que j’ai prise : je vais apprendre à m’aimer sans toi. À me donner ce que j’ai longtemps attendu de l’extérieur. À reconstruire, brique après brique, une estime de moi qui ne dépend plus de ton regard. C’est un chemin difficile, mais c’est le mien. Et il commence ici, dans ces mots que je n’ai jamais osé écrire, dans cette lettre qui n’attend pas de réponse.

Je ne te demande rien. Ni excuses, ni reconnaissance, ni réparation. Je sais que ce serait illusoire. Mais je me donne, à moi, la permission de ressentir. De me souvenir. De parler. De guérir. Je ne veux plus faire comme si tout allait bien. Je ne veux plus étouffer mes blessures sous des couches de rationalisation. Je veux me réapproprier mon histoire, avec ses douleurs, ses manques, mais aussi avec ma force.

Car malgré tout, je suis là. Je tiens debout. J’ai grandi. J’ai aimé. J’ai pleuré. J’ai trébuché. Mais je suis toujours là. Et si j’ai une fierté aujourd’hui, ce n’est pas d’avoir été “un bon enfant”, c’est d’avoir survécu à ce que personne ne voit. C’est d’avoir appris à ne plus me trahir pour protéger l’image d’une mère idéalisée. C’est de choisir la vérité, même inconfortable, plutôt que le silence.

Alors voilà, je t’écris pour me délester. Pour respirer. Pour vivre enfin en accord avec moi. Cette lettre n’est pas un règlement de comptes. C’est un acte de réconciliation. Pas avec toi. Avec moi.

Et si tu veux apprendre à t’aimer, vraiment…

Si tu sens que toi aussi, tu portes des blessures familiales, des loyautés invisibles, des conditionnements profonds qui t’empêchent de vivre pleinement qui tu es… alors je te recommande de prendre un vrai temps pour toi. Il existe 52 exercices puissants et simples, conçus pour t’aider à te reconnecter à toi-même, à sortir du rôle qu’on t’a imposé, et à reconstruire une relation saine avec toi.

Ils ont été pensés par Francis Machabée, un expert en psychologie positive que je trouve profondément humain, juste et inspirant. Ce n’est pas un gourou, c’est un guide. Et ce qu’il propose est profondément libérateur.

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Par Gabriel Tellier

Gabriel Tellier bouscule les certitudes et pousse à l’action. Avec un regard lucide et des conseils concrets, il aide à mieux comprendre ses blocages, à se remettre en question et à avancer vers une vie plus épanouissante.