Quand deux narcissiques tombent amoureux

Ils étaient faits l’un pour l’autre. C’est ce qu’on pensait. Deux personnalités brillantes, sûres d’elles, charismatiques, qui attiraient les regards et imposaient le silence quand elles entraient dans une pièce. Ils se sont reconnus tout de suite. Comme deux miroirs qui se reflètent, fascinés par leur propre image. Ça brillait fort, ça allait vite, ça semblait magique. Et pourtant…

Derrière le vernis, c’était une autre histoire. Deux égos affamés d’admiration, de reconnaissance, de validation. Chacun pensait avoir trouvé quelqu’un à sa hauteur, quelqu’un capable de le mettre en valeur, de le faire rayonner encore plus. Mais très vite, le besoin d’exister a pris le pas sur le désir d’aimer. Ce n’était pas une rencontre, c’était une compétition. Chacun était plus préoccupé par son image que par le lien.

Ils se séduisaient avec une énergie presque théâtrale. Le moindre compliment semblait une monnaie d’échange. Le regard de l’autre n’était pas un accueil, mais un miroir à polir pour mieux s’y admirer. Ce n’était pas un couple, c’était une mise en scène continue. Ils s’écoutaient pour répondre, pas pour comprendre. L’obsession de plaire et d’être vu prenait toute la place. Et ce qui aurait pu être un lien profond devenait un simple décor de façade.

Fascination, rivalité et besoin de contrôle

Ils s’adoraient autant qu’ils se redoutaient. Elle ne supportait pas qu’il attire trop l’attention, qu’il parle trop fort, qu’il soit félicité sans qu’elle y soit associée. Lui, il devenait jaloux si elle plaisait trop, si elle brillait seule, si elle osait prendre le contrôle d’une pièce. Chacun voulait être le centre. Le leader. L’objet de toutes les projections. La scène n’avait pas assez de lumière pour deux.

À l’extérieur, ils formaient un couple impressionnant. À l’intérieur, c’était une lutte de pouvoir constante. Ils voulaient briller, mais sans que l’autre leur fasse de l’ombre. Leur relation devenait une sorte de duel silencieux, une bataille d’égo à peine déguisée sous des compliments empoisonnés et des silences glacés.

Ils s’observaient plus qu’ils ne s’écoutaient. À chaque moment de vulnérabilité, une tension surgissait : « Et si l’autre en profitait ? » Alors ils se refermaient. Ils prenaient l’ascendant émotionnel dès que l’équilibre semblait vaciller. Ce n’était plus une histoire d’amour, mais une question de territoire. Un champ de bataille où l’intimité servait d’arme plus que de refuge. Le lien s’effaçait derrière la méfiance.

L’amour comme mise en scène

Ils n’étaient pas amoureux l’un de l’autre. Ils étaient amoureux de l’image qu’ils formaient ensemble. Ils se validaient publiquement, se déchiraient en privé. Ils postaient des photos de couple parfait, pendant qu’ils se menaient une guerre froide à huis clos. Et dans cette lutte d’influence silencieuse, il n’y avait pas de place pour l’empathie. Pas de place pour la vulnérabilité. Pas de place pour la vérité.

Chaque geste devenait calcul. Chaque mot était une façon de prendre l’ascendant. S’excuser ? Jamais. Ça aurait été un aveu de faiblesse. Reconnaître ses torts ? Impensable. Ils préféraient se punir par le silence, s’éloigner pour être regrettés, revenir pour être re-désirés. Leur amour était une stratégie. Leur intimité, un jeu de pouvoir. Ils voulaient de la présence, mais sans se dévoiler.

Tout était dans l’apparence. Le bonheur devait être visible, même s’il n’était pas ressenti. Leur appartement était impeccable, leurs photos soigneusement retouchées, leur cercle social admiratif. Mais dès que la porte se refermait, il ne restait plus que deux solitudes déguisées en performance. Même les moments de tendresse étaient joués comme des scènes de cinéma : tout devait être beau, mais rien n’était vrai. Le vide se maquillait en perfection.

Un couple où personne ne cède

Et quand la tension devenait trop forte, ce n’était pas des cris. C’était des humiliations subtiles, des piques déguisées, des phrases bien visées pour déstabiliser l’autre. Parce que dans ce couple, blesser valait mieux que se montrer faible. Contrôler valait mieux que comprendre. Gagner valait mieux qu’aimer. Ce n’était pas une relation, c’était un duel permanent. Une scène de théâtre où chacun écrivait ses répliques sans écouter celles de l’autre.

Même dans les moments de tendresse, il y avait une arrière-pensée. Une attente de retour. Un besoin d’apparaître comme celui ou celle qui donne le plus, pour mieux rappeler à l’autre ce qu’il doit. La dette affective était omniprésente, même si elle n’était jamais formulée. Tout était conditionnel, jamais gratuit.

Ils testaient leurs limites, mais pas pour les dépasser ensemble. Pour mieux s’imposer. Pour mieux manipuler. Ils faisaient semblant de construire alors qu’ils s’usaient, pierre par pierre, sans jamais poser de fondations solides. Tout ce qu’ils bâtissaient reposait sur des failles. Et chaque nouvelle tentative d’apaisement n’était qu’un nouveau levier de contrôle. L’harmonie devenait une illusion, soigneusement chorégraphiée.

L’épuisement émotionnel inévitable

Au fond, ils étaient seuls à deux. Incapables de vraiment se rencontrer, parce que trop occupés à se défendre, à se comparer, à se dominer. Leur histoire était condamnée, non pas par manque d’amour, mais par excès d’égo. Parce qu’aimer, vraiment aimer, demande de descendre la garde. Et eux, ils vivaient l’amour comme une arène. L’armure était toujours là, même au lit.

Le plus triste, c’est qu’aucun des deux n’était entièrement conscient de la toxicité de leur lien. Ils étaient trop occupés à sauver les apparences. Trop fiers pour partir. Trop vides pour rester. Jusqu’à ce que tout s’effondre. Non pas dans une explosion… mais dans un épuisement silencieux. Une lente asphyxie affective.

Ils ont fini par s’éteindre ensemble, sans même un dernier affrontement. Juste une distance de plus en plus froide. Une indifférence déguisée en maturité. Et dans le silence qui a suivi, il n’y avait pas de regrets. Juste du vide. Et un goût amer d’avoir tout joué, mais rien vécu. Rien ressenti jusqu’au bout. Juste un grand théâtre émotionnel, sans public, sans fin.

Leur histoire aurait pu être belle, s’ils avaient osé s’aimer sans masque. S’ils avaient eu le courage de se montrer dans leur fragilité. Mais pour ça, il aurait fallu que chacun commence par se voir lui-même. Ce qu’ils n’ont jamais vraiment fait. Ils ont préféré la mise en scène à l’authenticité. Et c’est ce choix-là qui les a brisés. Et ce que l’ego leur promettait d’élever, a fini par les écraser.

Quand aimer devient un champ de ruines

Et s’il y a une leçon à tirer de cette histoire, c’est celle-ci : on ne peut pas construire à deux quand personne ne sait être vrai. Quand chacun veut être admiré plus qu’être aimé. Quand le besoin de briller écrase le besoin d’être en lien. L’amour ne se mesure pas en likes, en regards, en domination. Il se mesure en vulnérabilité partagée, en vérités dites sans peur.

Parce qu’au fond, l’amour ne se mérite pas. Il se reçoit. Il se donne. Et pour aimer vraiment, il faut d’abord être capable de se voir tel qu’on est. Sans filtre. Sans mise en scène. Sans masque. Juste soi. Entier. Humain. Prêt à être touché. Prêt à être vu, dans ses forces comme dans ses fragilités.

Et si toi aussi tu veux sortir des jeux de rôles, des dynamiques où tu te perds pour exister, je te recommande sincèrement ces 52 exercices pour te reconnecter à toi-même, imaginés par Francis Machabée, une personne que je trouve vraiment inspirante par sa façon de faire tomber les masques, avec douceur, clarté et impact. Ces exercices ne t’apprendront pas à plaire, mais à t’écouter. À t’habiter. Et à t’aimer. Et surtout, à bâtir une relation qui commence en toi.

Aimer, ce n’est pas dominer. Ce n’est pas paraître. C’est oser être. Entièrement. Radicalement. Humainement. Et c’est peut-être la chose la plus courageuse qu’on puisse faire.

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Par Gabriel Tellier

Gabriel Tellier bouscule les certitudes et pousse à l’action. Avec un regard lucide et des conseils concrets, il aide à mieux comprendre ses blocages, à se remettre en question et à avancer vers une vie plus épanouissante.