Quand tu grandis avec des gens qui t’aiment… mais qui te dévalorisent

On t’a aimé. De la façon qu’ils pouvaient. De la façon qu’ils connaissaient. Parfois maladroite. Parfois distante. Parfois même blessante. Mais dans leur tête à eux, c’était de l’amour. Et c’est là que ça se complique : parce que ce mélange d’affection et de critique, d’attention et de pression, t’as grandi dedans. C’est devenu ta base, ton modèle, ton repère. Un amour un peu bancal, mais que tu ne pouvais pas remettre en question. Parce qu’enfant, on ne questionne pas l’amour qu’on reçoit. On l’intègre. On s’y adapte. On fait avec.

Et toi, t’as grandi avec ça. Un amour qui fait mal parfois. Qui critique plus qu’il encourage. Qui compare plus qu’il soutient. Qui exige plus qu’il célèbre. Mais bon… c’était quand même de l’amour, non ? C’est ce qu’on te disait. Ce que tu te répétais pour justifier les blessures que tu ressentais, mais que personne ne nommait. C’était pas violent, pas visible. C’était juste constant. Silencieux. Insidieux. Et en grandissant, t’as fini par te convaincre que c’était normal. Que c’était toi le problème. Que t’étais trop sensible, trop exigeant, trop « tout ». Tu t’es adapté. Encore. Et encore.

Tu t’es construit là-dedans. Et sans t’en rendre compte, t’as appris des choses. T’as appris à chercher la validation chez les autres. T’as appris à douter de ta valeur. T’as appris à faire toujours un peu plus… pour mériter un peu d’affection. T’as aussi appris à t’effacer, à arrondir les angles, à ne pas déranger. Parce qu’on te faisait sentir, parfois même sans le dire, que ton simple fait d’être prenait trop de place. Alors t’as commencé à occuper le moins d’espace possible, à être le plus discret possible, en espérant qu’on t’aime un peu plus pour ça.

Parce qu’on t’aimait, oui. Mais on te faisait aussi sentir que t’étais jamais vraiment « assez ». Jamais assez brillant. Jamais assez sage. Jamais assez comme il fallait. Tu pouvais ramener une bonne note, on te demandait pourquoi c’était pas un 100. Tu pouvais rester calme, on te disait que t’étais trop mou. Tu pouvais être fier, on te répondait de pas trop te vanter. Et tu finissais par intégrer que, quoi que tu fasses, ce serait jamais vraiment suffisant. Tu t’en es voulu de pas être à la hauteur. Tu t’es remis en question, encore et encore, jusqu’à t’user.

Et tout ça, ça s’imprime. En profondeur. T’avais pas besoin qu’on te crie dessus. Le simple fait qu’on ne t’ait jamais vraiment validé pour ce que tu étais, sans condition, ça a suffi pour déstabiliser toute ton estime. Ce manque de reconnaissance subtile, de validation affective sincère, ça te laisse une trace. Pas un traumatisme violent. Mais une fissure permanente. Et tu grandis avec. Tu fais ta vie avec. Tu bâtis tes choix là-dessus. Tes relations. Tes ambitions. Même ta voix intérieure finit par te parler comme eux te parlaient.

Alors t’as grandi en jouant un rôle. Le bon élève. L’enfant autonome. L’adulte fonctionnel. T’as appris à ne pas trop parler de ce que tu ressens. T’as appris à minimiser tes douleurs. Parce qu’on t’avait bien fait comprendre que ça prenait trop de place, les émotions. Que c’était encombrant. Que c’était exagéré. Alors tu les as mises de côté, ces émotions. Et t’as appris à faire comme si tout allait bien. Parce que quand tu pleurais, on disait que t’exagérais. Quand tu doutais, on te disait que t’étais faible. Alors tu t’es tu. Et ça t’a suivi longtemps.

T’as appris à sourire même quand ça fait mal. À dire « c’est pas grave » quand ça l’était. À faire comme si t’avais la tête hors de l’eau, alors que t’étais déjà en train de couler doucement. Et tu t’es dit que si t’avais plus de valeur, on te verrait mieux. T’as cru que c’était ta faute si on te comprenait pas. Alors t’as redoublé d’efforts. Pour être irréprochable. Pour être utile. Pour être aimé. Jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à l’effacement. Et tu t’es félicité d’être fort, alors que t’étais juste en train de survivre.

Mais le problème, c’est pas toi. Le problème, c’est que t’as pris pour de l’amour ce qui était parfois juste du contrôle, de l’angoisse, ou une façon de projeter leurs peurs sur toi. On t’a aimé, oui. Mais on t’a aussi façonné à leur image. Pas pour t’épanouir. Mais pour les rassurer. Et t’as appris à confondre loyauté et abandon de soi. À confondre amour et inconfort. Présence et pression. À croire qu’on t’aimait quand on t’étouffait. Qu’on te protégeait quand on t’empêchait d’exister.

Oui, ils t’aimaient. Mais leur amour n’était pas toujours sécurisant. Il était souvent conditionnel. Tu devais mériter. Tu devais correspondre. Tu devais t’ajuster. Tu devais répondre à leurs attentes, même quand ça t’éloignait de toi. Et c’est là que tu t’es perdu. Lentement. En silence. Sans te rendre compte qu’au lieu de te construire, tu te façonnais pour plaire. Et plus tu plaisais, moins tu te reconnaissais. Tu t’es transformé pour survivre dans un monde où ton vrai toi semblait toujours de trop.

Et maintenant, adulte, tu sens encore ce poison doux dans tes relations. Tu dis « oui » alors que tu veux dire « non ». Tu t’excuses d’exister. Tu ressens le besoin de faire tes preuves en permanence. Tu choisis des partenaires qui t’éteignent doucement, parce que tu confonds amour et inconfort. Parce que ce schéma, tu le connais trop bien. Parce que dans le fond, c’est ce qui t’est familier. Et c’est dur d’en sortir, parce que t’as pas appris à recevoir l’amour autrement. L’amour sain, doux, tranquille… ça te paraît presque étrange.

Mais aujourd’hui, tu peux briser ce modèle. Tu peux décider que l’amour, le vrai, n’a pas à faire peur. Qu’on n’a pas à se contorsionner pour être aimé. Que t’as pas à te justifier d’exister. Tu peux décider que t’as plus envie de vivre petit, de t’excuser pour ce que tu ressens, de te faire tout discret pour qu’on te tolère. Tu peux décider de réapprendre à vivre grand. Présent. Plein. Pas parfait. Mais entier. Et libre.

Tu peux décider que ce que t’as vécu, tu vas pas le transmettre. Que tu peux guérir ce que t’as pas reçu. Que tu peux apprendre à t’offrir ce que personne ne t’a appris à recevoir : de la validation, de la douceur, du respect. De l’amour entier, sans condition. D’abord venant de toi. Puis des autres, mais seulement ceux qui savent aimer sans t’éteindre. Parce qu’au fond, c’est tout ce que t’as toujours mérité. Et que maintenant, tu le sais.

Et si t’as besoin d’un point de départ, d’un appui pour commencer à reconstruire ça en toi, je te recommande 52 semaines pour reprendre le pouvoir sur ta vie, créées par Francis Machabée, quelqu’un que je trouve profondément inspirant, avec une approche à la fois concrète et humaine, reconnue en psychologie positive.

Ce n’est pas pour comprendre ton passé. Mais pour reprendre le fil de ta présence. Et te remettre au centre, enfin. Pas pour réparer ce qui cloche. Mais pour te retrouver là où tu t’étais laissé. Pas pour redevenir comme avant. Mais pour devenir enfin toi, sans filtre, sans rôle, sans masque.

Parce que oui, on peut t’aimer et te dévaloriser. On peut te nourrir et te blesser. On peut t’offrir un toit sans jamais vraiment te voir. Mais aujourd’hui, t’as le droit d’apprendre à t’aimer autrement. T’as le droit d’apprendre à te valider toi-même. Et surtout, t’as le droit d’exister sans permission. Et ça, personne ne peut plus te l’enlever.

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Par Gabriel Tellier

Gabriel Tellier bouscule les certitudes et pousse à l’action. Avec un regard lucide et des conseils concrets, il aide à mieux comprendre ses blocages, à se remettre en question et à avancer vers une vie plus épanouissante.